Dans un pays
où il n’y a pas de lois qui interdisent la vente d’alcool et de cigarettes aux
mineurs, où certains jeunes consomment des substances psychotropes illicites,
le phénomène de la drogue doit être pris à cœur. C’est ainsi que la Commission
Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD), à travers ses politiques de
sensibilisation et d’information sur les drogues, s’est donc attendue à une
amélioration de la situation, c’est-à-dire une diminution du nombre de
consommateurs des substances licites et illicites et une meilleure connaissance
sur les conséquences de la consommation des drogues chez les élèves du
secondaire.
En effet, pour
une population déjà en proie à de sérieux problèmes au niveau de l’économie, de
l’éducation et de la santé, une consommation abusive de drogues ne peut
qu’empirer la situation. Dans ce contexte, le taux de prévalence de l’abus de
drogues licites ou illicites constitue un véritable souci pour le gouvernement
haïtien.
De ce fait, le
gouvernement par le biais de la CONALD agit dans le but de disposer des informations pour pouvoir mieux orienter
les décisions en matière de lutte contre la drogue. Il s’agit donc de mesurer
l’ampleur ou la magnitude de l’utilisation et de la prévalence de la drogue
chez les jeunes écoliers. Quelle est l’ampleur de la consommation des
substances licites et illicites chez les jeunes écoliers haïtiens ?
Pourquoi les élèves en consomment-ils ? Combien d’élèves ont déjà essayé
une drogue illicite ? Comment est la situation par rapport à l’année
2009 ? Qu’est ce qu’il faut ajouter ou changer en matière de prévention ?
Ce sont-là autant de questions auxquelles cette troisième enquête a essayé
d’apporter des réponses.
Haïti n’est
pas un pays consommateur de drogues, mais les résultats de l’enquête scolaire
ont permis de confirmer le phénomène de la consommation induite. Les drogues
illicites les plus consommées en Haïti sont la marijuana et la cocaïne.
En effet, il est attesté que la cocaïne et la marijuana atteignent des
pourcentages respectifs de 3.2 % et 2.3% chez les élèves du secondaire.
Toutefois, comparativement aux données de 2009, une certaine baisse est
constatée pour des drogues licites telles que l'alcool et la cigarette. Il faut
alors féliciter les efforts de la CONALD qui a entrepris des activités de
prévention après l’enquête scolaire de 2009 en vue de sensibiliser les jeunes
écoliers sur le danger que représentent les drogues. Cependant, la consommation
de certaines drogues illicites est en hausse par rapport à l’année 2009. C’est
le cas pour les substances inhalées et le crack qui affichent respectivement
une prévalence de 6.4% et de 2.5% en 2014, alors qu’en 2009 elles atteignaient
respectivement 2.01% et 1.02%.
Tableau 1.
Prévalence des substances utilisées et analyse comparative entre 2009 et 2014
Prévalence
des substances utilisées et analyse comparative entre 2009 et 2014
|
||||||
Substances
|
De vie
|
D'année
|
De mois
|
|||
% 2009*
|
% 2014**
|
% 2009*
|
% 2014**
|
% 2009*
|
% 2014**
|
|
Cigarettes
|
14.99
|
12.1
|
5.01
|
6.2
|
3.91
|
4.8
|
Alcool
|
59.55
|
55
|
37.51
|
34.3
|
26.57
|
21.8
|
Tranquillisants
|
28.90
|
11.3
|
15.04
|
6.6
|
11.47
|
4.4
|
Stimulants
|
22.58
|
7.8
|
11.36
|
3.6
|
8.58
|
1.6
|
Substances inhalées
|
5.44
|
6.4
|
2.27
|
4.5
|
1.33
|
2.1
|
Marijuana
|
2.01
|
3.2
|
0.65
|
2.4
|
0.45
|
1.1
|
Cocaïne HCL
|
2.04
|
2.3
|
0.59
|
1.7
|
0.37
|
.9
|
Crack
|
1.02
|
2.5
|
0.48
|
1.9
|
0.20
|
1.1
|
N'importe quelle drogue illicite
|
15.64
|
23.4
|
5.84
|
14.6
|
4.02
|
6.2
|
Graphique
1: Analyse comparative des tendances observées dans les enquêtes de 2005, 2009,
2014 au niveau des prévalences de vie de quatre drogues illicites: la
marijuana, la cocaïne, les substances inhalées
et le crack
Source :
élaboration propre de l'auteur à partir des données de l'enquête 2014
En analysant le degré d’accessibilité à la marijuana, il
est remarqué qu’il y a plus d’élèves à avoir déclaré que l’accès est facile
dans le département des Nippes alors que le département du Sud présente la plus
faible proportion d'élèves à penser que l'accès est facile. Ceci démontre que
la base navale installée aux Cayes est probablement la cause de cette possible
rareté de drogues dans cette région.
Graphique 2: Distribution spatiale des élèves qui
perçoivent un accès facile à la marijuana
En matière de
drogues illicites, une prévalence de vie de 25. % est observée chez les
garçons, soit près d’un quart des garçons ayant déjà pris une drogue illicite au
cours de leur vie. Chez les filles, cet indicateur atteint les 22 %. Il s’agit
donc d’une situation qui exige des actions concrètes en vue de réduire cette
tendance des jeunes à faire usage de drogues illicites. L’âge moyen
d’initiation à la consommation de certaines drogues comme la marijuana se situe
aux environs de 14 ans (13.88 ans), traduisant ainsi une consommation précoce
chez les jeunes.
Tableau 2.
Prévalence d'utilisation de n'importe quelle drogue illicite par sexe
Prévalence
d'utilisation de n'importe quelle drogue illicite selon le sexe
|
||||||
Sexe
|
De vie
|
D'année
|
De mois
|
|||
N
|
%
|
N
|
%
|
N
|
%
|
|
Garçon
|
399
|
25.0
|
247
|
15.5
|
101
|
6.3
|
Fille
|
397
|
22.0
|
249
|
13.8
|
110
|
6.1
|
Non
réponse
|
12
|
26.1
|
6
|
13.0
|
3
|
6.5
|
Source : élaboration propre de l'auteur à partir des
données de l'enquête 2014
Graphique
3: Taux d'incidences annuels de différentes drogues
Source : élaboration propre de l'auteur à partir des
données de l'enquête 2014
En matière d'incidence, les résultats ont montré que le
taux le plus élevé est celui de l'alcool qui est de 31.45. En d'autres termes,
sur 100 élèves, il est probable que 31 nouveaux consomment de l'alcool pour la
première fois au cours d'une année. De même, on observe qu'environ 4 nouveaux
élèves sur 100 découvriront la cigarette, les tranquillisants ou les stimulants
avec respectivement les taux d'incidence
annuel de: 3.92, 3.79 et 3.93.
En ce qui a
trait à la perception des jeunes sur le degré de gravité des drogues, il
est constaté que 10.8% des élèves, soit environ 1 élève sur 10 pense que boire
fréquemment de l’alcool n’est pas grave ou peu grave. Cette proportion
interpelle les acteurs oeuvrant dans la lutte contre la drogue dans la mesure
ou la consommation d’alcool chez les
élèves cause pas de mal de dommages. Quant à la consommation des autres
drogues, dans la majorité des cas, 3 élèves sur 5 pensent que c’est très grave
ou assez grave d’en consommer.
L’analyse spatiale de l’utilisation des drogues illicites
informe que la prévalence de vie est plus élevée au niveau du département du
Nord’Est, soit une prévalence de 38.6%. Les départements de la Grand-Anse et du
Sud'Est suivent avec des prévalences de vie atteignant respectivement 28.9% et
27.5%. Donc, il faudra intensifier les activités de prévention au niveau de ces trois
départements.
Il existe clairement un problème de drogue en Haïti,
notamment chez les élèves du secondaire. De ce constat, les acteurs ayant
mandat pour lutter contre la drogue doivent orienter leurs actions à la lumière
de ces résultats afin de donner une réponse concrète et efficace à ce problème.
La CONALD, en tant qu’instance nationale chargée de coordonner la planification
et la mise en oeuvre effective de la politique contre les narcotiques, est
appelée, entre autres, à rassembler l’ensemble des acteurs qui travaillent dans
le domaine, à mutualiser les efforts en vue de meilleurs résultats en matière
de protection de la société. Elle mettra en œuvre des politiques de prévention
dans les écoles. De plus, la problématique de la drogue étant transversale, la
CONALD privilégiera une approche axée sur la Coopération Internationale. C’est
donc dans l’esprit de rendre la société plus saine, plus juste et plus
équilibrée que les décideurs opteront pour des politiques publiques qui ciblent
la propagation de la drogue. Les efforts doivent privilégier aussi la
participation des membres de la société civile, le contrôle de l’offre de
drogue et le traitement des victimes des substances psychotropes. Toutes ces
mesures doivent basées sur l’évidence, en d’autres termes, sur des informations
fiables et des pratiques de suivi et d’évaluation. Au final, ces résultats
serviront à l'élaboration de la stratégie nationale de lutte contre la drogue
2016-2020.
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